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Bonjour Zadkine! 

A quelques mètres d’Assas et de sa faune grouillante, la maison-atelier du sculpteur Zadkine est une véritable accalmie. Un fragment d’émeraude planqué au fin fond d’une cour, au 100 bis. 

Tout y est sans prétention. Des lettres métalliques qui se fondent au gris-Paris, aux verrières sveltes et timides, en passant par l’affabilité adorable des employés. 

En trois pas, nous ne pouvons qu’être saisis par cette faille spatio-temporelle ; nous voilà transportés dans une campagne d’autrefois. D’une où la sérénité l’emporte sur la frénésie qui nous est caractéristique. 

Un silence étonnant y règne. Pur. Pas bourdonnant. Un silence que nous 

préservons instinctivement en se taisant, les pas feutrés. Apaisés par une lumière douce qui se fraye un chemin pour embrasser les œuvres. Les enlacer. Avec la volupté propre à ce sculpteur génial.

Qui est ce dit Zadkine – OssIp de son prénom - ? 

 

Ossip Zadkine, né durant l’été 1890 en Biélorussie (Empire russe à l’époque), avait les doigts dans la glaise depuis son plus jeune âge. 

 

Passion 

et patience 

du génie.

 

D’abord envoyé en Angleterre par son père à l’âge de 15 ans où il suivit les cours d’une école d’Art (buissonnière), Zadkine s’installa 5 ans plus tard à Paris. Au cœur du Quartier Latin. Là où vibrait la sculpture.

Après quelques mois à l’Ecole des Beaux-Arts, Ossip, fidèle à lui-même, préféra se retirer afin d’écouter le monde, la terre, la pierre, pour ne pas tomber dans les carcans de l’art académique. Enseigné à la chaine. 

C’est ainsi qu’il croisa Picasso, Matisse, Apollinaire et Modigliani. 

La guerre se déclara ensuite ; Zadkine fut de cette génération malchanceuse qui traversa la haine des deux guerres mondiales. Brancardier-infirmier lors de la première, il dut (put) fuir aux Etats-Unis lors de la seconde. Origines juives obligent. 

Pendant ce temps-là sa femme, Valentine Prax, artiste elle aussi, resta en France, dans leur maison des Arques, pour défendre leur œuvre. 

Leur atelier, rue d’Assas (celui-là même où est le musée), fut (momentanément)confisqué par les nazis. 

Valentine Prax, dont les œuvres ne sont pas présentées lors de l’exposition, a donné naissance au musée Zadkine grâce au legs de ses biens à la Ville de Paris. C’est un an après son décès, en 1982, que le musée Zadkine fut inauguré, dans cette maison-atelier qu’Ossip adorait et habitait de 1928 à son décès en 1967.

 

Ainsi, lorsqu’on pense à de grands sculpteurs, Zadkine n’est pas le premier à sortir d’entre nos lèvres, si tant est qu’il soit a minima sur le bout de notre langue. Pourtant, il est indéniable que ce dernier est une figure incontournable dans le paysage artistique du siècle dernier. Il reçut notamment en 1950 le grand prix de la sculpture de la Biennale de Venise.

Insight 

Le musée Zadkine est un voilier délicat à la coque en bois, où le vent chuchote le long d’un océan crépitant. 

 

Le peu d’affluence – en tout cas lorsque j’y suis allée, un mercredi après-midi – est déroutant. Positivement déroutant. De nombreux tabourets vacants poussent un peu partout le long des murs. Tout semble être agencé de manière à se reposer, les sculptures plein les yeux. 

«Prendre son temps » est le leitmotiv. 

La disposition des œuvres est elle aussi finement orchestrée ; les hauteurs varient, les distances entre chaque buste, entre chaque corps en tension. L’éclairage, penaud comme je l’aime, n’a rien d’agressif. Il embellit sans éblouir. Le tout accompagné de jeux de reflets à l’aide de miroirs. Ci-dessous, l’intimité réfléchie. Une main gravée sur le pubis, fasse à nous, la sculpture est intimidante. Pourtant, à travers cette provocation délicate, il faut lutter, continuer de la scruter. En détails. Oui. Comme toutes les œuvres d’Ossip Zadkine. Ici, la mise en scène, car on peut effectivement parler de mise en scène, attise l’œil des plus indiscrets. Dans le miroir : son dos. Ses fesses. Ses cuisses. Un érotisme continu que le monde physique, matérialisé par le mur, ne peut arrêter. D’autant que cette femme grandeur nature est accolée à un escalier en colimaçon auquel on ne peut accéder. Nous, profanes. Nous, spectateurs innocents. Cet étage d’où nous parviennent des éclats de rire. Des phrases à peine tues. Les coulisses que nous ne pouvons qu’imaginer. 

 

 

 

 

 

Outre la mise en scène, la manière qu’avait le sculpteur de travailler le bois est à observer. Un savant mélange entre tailler et entailler. 

Comme si Zadkine avait une frustration au bout des ongles, d’une qui ne s’exprimait que parfois, à la base. Donnant naissance au lissé.

Avec un peu de recul, en regardant les photos prises, un lien ténu se tisse entre Zadkine et l’artiste David Altmejd (sculpteur québécois aux œuvres sublimes et impressionnantes).

Voici une photographie prise l’année passé. En écho.

Des formes en devenir, transpercés d’instruments de musiques. 

Dans un recoin obscur s’abrite une sculpture mythologique, la naissance de Vénus. D’où descendent des marches en pierre intrigantes auxquelles on ne peut accéder. 

Et en face, la réserve de Zadkine. Une autre bulle avec parquet et grandes fenêtres. 

Après avoir zig-zagué dans les entrailles de l’atelier-maison de Zadkine et Prax, nous atterrissons, au détour d’une porte, dans une cour verdoyante où se dressent des sculptures à l’anatomie éclatée. 

Comme au revoir, une « statue pour jardin ». Allongée, elle nous rythme l’à bientôt, un violon à la place des poumons. 

Elle a de l’eau de pluie dans le nombril. A pour voisins les frères Van Gogh. Une ébauche pour une sculpture d’une plus grande envergure.

 

« Zadkine est un ambassadeur de l’humanité »

- Thomas Duttenhoefer

 

Ah oui, dernier point : ce musée est G R A T U I T pour T O U S. Alors la prochaine fois que vous errez dans le Jardin du Luxembourg, que vous faites du shopping vers Montparnasse, déjeunez au resto du coin, ou vagabondez un guide parisien en mains, allez-y. Le musée Zadkine, au cas-où je ne l’ai pas assez répété, est un petit havre de paix au cœur du 14e. 

INDICATIONS :

- Tarif : GRATUIT (fonctionne par dons)

- Adresse : 100 bis, rue d'Assas 75006 Paris

- Métro : Notre-Dame des Champs (ligne 12), Vavin (ligne 4)

- RER B : Port-Royal

- Bus : 38, 82, 83, 91

- Vélib' : 90 rue d'Assas, 13 rue Michelet

- Autolib' : 15 rue Joseph Bara, 6 rue Michelet 

- Mail : musee.zadkine@paris.fr

www.zadkine.paris.fr

 

Ouvert tous les jours (sauf lundi et jours fériés), de 10h à 18h.

Océane Pacaud 

Océane PACAUD

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