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La BEAT GENERATION

jusqu’au 3 octobre au Centre George Pompidou 

J’ai eu l’envie d’écrire cet article à leur manière. Un hommage en un trait. En un jet. A l’instar du tapuscrit d’On the road qui scinde l’exposition dans sa longueur. 36,5 mètres de papiers calque ajointés. Mouvement littéraire et culturel des années 1950-1960, la Beat Generation est un condensé de personnalités marginales telles que Ginsberg ou Kerouac. Des personnalités qui refusèrent la culture mainstream américaine de leur époque. Leur travail et l'histoire du mouvement sont exposés au Centre George Pompidou jusqu'au 3 octobre.

AVANT PROPOS

Avec sa scénographie géniale et alambiquée, l’exposition nous fait perdre la tête.

Des images, des sons, des voiles, des flashs, du mobilier d’antan, des crissements, des bouquins. Une effervescence tout droit sortie des entrailles de Kérouac, Burroughs, Ginsberg, Frank, Cassady… Délivrée aussi nue et gueulante que dans les années 50. Le placenta en moins.

Foisonnement.

Des noms par dessus corps, connus ou non. Des écrivains, des poètes, des photographes, des réalisateurs, des dessinateurs. Des hommes essentiellement… - la Beat Generation est un mouvement touche à tout. Pas de restriction, pas de barrière des sens ni de l’intellect. Une grande famille où « expérimentations » et « dépassement de soi » sont les maîtres mots.

C’est probablement pourquoi ce mouvement a provoqué un émoi en mon moi adolescent. L’ébullition du trop-plein, des idées à tue-tête, des émotions qui cognent mêlées au désir d’ailleurs. Le tout contenu dans des phrases sèches et poétiques. Une échappatoire entre les lignes de ces auteurs devenus, pendant une année voire deux, mes sauveurs.

« Les lignes de fuite n’ont pas de territoire. L’écriture opère la conjonction, la transmutation des flux, par quoi la vie échappe au ressentiment des personnes, des sociétés et des règnes. Les phrases de Kérouac sont aussi sobres qu’un dessein japonais, pure ligne tracée par une main sans support, et qui traverse les âges et les règnes. Il fallait un vrai alcoolique pour atteindre cette sobriété-là » (Gilles Deleuze).

 

A l’annonce de cette rétrospective, je m’y suis jetée avec enthousiasme et appréhension - souhaitant renouer avec ce qui avait su me remplir autrefois.

Cet article a donc le goût de l’intime (rien dans le registre d’un « dear diary » cependant, ne vous inquiétez pas). 

LA BEAT GENERATION, C'EST QUOI? 

Le brouhaha des rencontres entre membres de la Beat, les moments fertiles du mouvement et les dates de publications de leurs œuvres, sont inscrits sur une immense impression graphique de Franck Leibovici, retraçant la chronologie du mouvement à la manière d’une constellation. Un mind mapping à l’image de ceux qui avaient la bougeotte au bout des doigts. Histoire pour nous, profanes, de s’y retrouver tout en restant submergés par l’abondance de leur monde.

Une suite de crescendos et decrescendos de 1943 à 1969, avec comme origine : Lucien Carr, la glue, celui qui a provoqué la rencontre entre les figures emblématiques de la Beat.

Beat.

Beat.

Beat.

Pourquoi « Beat », d’ailleurs ? Un battement ? Une référence au rythme saccadé de leur prose, peut-être. Une référence au Jazz, pour sûr. Du son dans leurs lignes. A scander à voix haute.

Mais encore, ce terme fait référence au fait d’être battu, écrasé, pauvre. Un mouvement digne d’un phénix : ils touchent le fond, la cendre, la suie. Ils s’en relèvent, le corps encore frêle et les cris étouffés, maladroits, qui sortent de la gorge avec une violence à peine retenue.

Interview Jack Kerouac

« Howl » (en anglais : « hurler »), en est l’illustration parfaite. Publié dans un recueil en 1956 par Allen Ginsberg, ce poème très controversé est un cri de colère, un mal être viscéral tapé sur une Remington portable. Un mal être à écouter lors de l’exposition, entre des photographies de ses compagnons d’infortune. Avec au loin, la voix d’un Bob Dylan dans un clip à la mouvance beat.

Howl 

L'EXPO 

Dans cette exposition, tout est joint. Les pupilles épileptiques, un peu fatiguées, nous arpentons la vaste pièce d’un mur à l’autre. On se faufile. On revient sur nos pas. On soulève un voile fin, délicat, sur lequel un poème est écrit. Dans sa langue maternelle, évidemment (avec les traductions en français sur un mur, derrière).

Pas de salles à proprement parler. Simplement un grand espace dédié à l’esprit vagabond propre à celui de la Beat Generation.

Les supports sont divers, les artistes présentés aussi.

Nous arpentons les méandres de leur quotidien. Leurs errances, leurs tâtonnements, l’observation du mouvement dans son cœur. Ci-dessus : les photographies intimistes prises par Ginsberg. Son écriture en pattes de mouche qui nous transmet des instants volés. Des éclats de leurs conversations. 

Ils ont su montrer à la jeunesse une alternative : une spontanéité à toute épreuve, une spontanéité contre l’hypocrisie et la superficialité d’une société gangrénée.

Aujourd’hui encore, l’écho de leurs cris se fait entendre ; nombreux sont ceux qui parmi nous, sont « mad to live, mad to talk, mad to be saved, desirous of everything at the same time, the ones who never yawn or say a commonplace thing, but burn, burn, burn like fabulous yellow roman candles exploding like spiders across the stars and in the middle you see the blue centerlight pop and everybody goes “Awww!” » (Kerouac, 1957).

 

Et aujourd’hui encore, en relisant ce passage extirpé d’On the Road, j’ai des frissons. La Beat Generation est un mouvement qui parle aux sens.

Avec ses œuvres sonores et visuelles « low tech » (à coup de tourne-disques, de vieux projecteurs…), cette exposition labyrinthique illustre la Beat Generation sous toutes ses coutures. Ou presque.

Un bel hymne à cette mythologie qui a fortement marqué l’histoire culturelle américaine et la jeunesse occidentale. Car à travers leur marginalité revendiquée, leur intérêt pour la spiritualité orientale et leurs états modifiés de conscience se succédant les uns après les autres, au rythme de leur prose torturée et de leurs montées d’acide, les membres de la Beat ont permis l’émergence de contre-cultures contemporaines. Le mouvement hippie en est l’exemple le plus criant.

LES PODCAST FRANCE CULTURE 

Informations pratiques  

Ouvert de 11h00 à 21h00 jusqu’au 3 octobre 2016

Fermé le mardi

Nocturnes le jeudi

Galerie 1 - Centre Pompidou, Paris

Tarif normal : 14€ / Tarif réduit : 11€

Site : https://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-33a9dae3-7aeb-4e3f-9084-29dcbdefaf60&param.idSource=FR_E-a21b6302-59ed-44fd-9f0f-74192ce9e335

Océane Pacaud 

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