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C’est étonnant de voir à quel point le chemin doit lui aussi faire l’objet d’un commentaire. Car le Palais de Tokyo est un tout. Il se suffit presqu’à lui-même. De part ses hauts plafonds, ses extrémités à la Schiele, ses dénivelés recouverts de tapis d’Orient, ses papiers encrés-chinés accolés à ses poumons et son bar où l’on peut s’allonger sur des hamacs au summum du design, surplombés par des étoiles de collants. 

C’est donc en m’enfonçant dans ses entrailles que je me suis faite happer par le travail de Simon Evans. 

Simon Evans, un Janus recouvrant Simon Evans lui-même ET Sarah Lannan, son acolyte. 

Après leur travail, on se sent vidé. Amorphe. Tout paraît bien pâle. Bien fade. Et ce malgré l’espace compressé qui leur est réservé. 

 

Alors tout d’abord, ce qui frappe à l’entrée de l’exposition, c’est l’écriture manuscrite parsemée de ratures. Ses caractères aux grosseurs variables. C’est ainsi qu’on entre dans leur univers, par l’écriture scripte d’un enfant au tableau. Des traits ivres qui décrivent l'angoisse silencieuse et les cris tus. Le commentaire donne le ton ; un journal intime griffonné. Une de leurs œuvres s’appelle d’ailleurs Dear Diary. Ensuite, à travers l’entaille faite au mur, on aperçoit un long "papyrus" aux tons pastels. Derrière. En relief. Un papier si long qu’il se recroqueville au sol. 

En s’approchant de ce colosse timoré, on est frappé par les détails. Les détails, oui.

Dans un sens, la rétrospective du travail d'Alberola porte un titre (Aventure des détails) qui aurait tout aussi bien pu convenir au travail des siamois Evans ; tant pour la minutie des détails que pour les histoires enfouies sous leurs typos riquiquis. 

Dans un autre sens, parler des détails aurait nettement diminué l’effet escompté ; on aurait été invité à observer comme des maniaques, leur intimité rendue publique. Or, on est davantage ici, des voyeurs, des pervers. Qui, dans un silence bourdonnant, plisse les yeux à l’insu supposé d’autrui pour mieux voir ce qui est caché sous l’abondance des traits. On est des explorateurs charmés par les mots répétés, les mandalas schizophréniques et les plans griffonnés. Ce sont des plans d’intérieurs de chez soi, comme de soi.

Les pseudo-schémas anatomiques, les listes et les diagrammes, sont des mots sur leur intimité.

De plus, avec un titre comme Not not knocking on heaven's door, on est face à l'illustration parfaite de la frustration blanche des artistes. A mi-chemin entre un Bob Dylan fâché et un dictionnaire autobiographique, les Evans content au travers de leurs œuvres à quatre mains, un quotidien poétique et angoissé qui prend la forme, j’ai l’impression parfois, de paysages. Peut-être est-ce une manière de rationnaliser mon monde, pourtant sous mes yeux se dresse lentement un paysage tokyoïte, où les HLM en chiffon se mêlent au bleu pale de cartes superposées. 

 Le plan initial était d’arpenter les salles dédiées à Alberola et son Aventure des détails, dont le Palais de Tokyo faisait la rétrospective. Je n’avais aucune idée de qui était ce Jean-Michel Alberola et ne connaissais de son travail que les contours de visages tracés sur un fond rose criard, placardés ci-et-là. 

C’est ainsi qu’après une queue sous la pluie (état d’urgence oblige) et ticket en main, je me suis dirigée vers le niveau 1

En descendant les escaliers, une installation de Vivien Roubaud m’accueille. Là, au-dessus de la tête, galopant sur place. Une bâche plastifiée opaque et gigantesque portée par un vent imaginaire. A deux-pas entre American Beauty et La fête de l’insignifiance.

C’est d’ailleurs à base de papiers déchirés, de journaux customisés, de ratures, de gribouillis et de colle, que leurs travaux, parfois grands comme quatre corps allongés, évoquent des histoires avortées transpirant le cynisme et la mélancolie.

NOT NOT KNOCKING ON HEAVEN'S DOOR,

  L'entité Simon Evans au Palais de Tokyo 

Détails de Wallpaper de Simon Evans, Palais de Tokyo.

©Simon Evans. Courtesy Palais de Tokyo.

Photographe: Kristine Larsen

Détails de Companion de Simon Evans, Palais de Tokyo.

La phrase-clôture sera des Evans, car elle est d’une beauté tout simple et toute pleine ;

The skin of earth is a blue blouse.

N.B. : Ce duo a été lauréat du Prix Canson© 2014.

Océane Pacaud

©Simon Evans. Courtesy Palais de Tokyo.

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